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Soudan
Le village de Wadi Halfa nous surprend par la tranquillité de ses habitants. Nous avons l’impression d’être encore au Moyen Orient, mais déjà en Afrique. Autour de nous, dans les radios et les télévisions, le son sourd des percussions commence à répondre au son aigre des violons de la musique orientale et les hommes se rassemblent de plus en plus nombreux pour prier autour des mosquées. Le beige cède petit à petit sa place au blanc : blanc immaculé des galabiehs, qui tranche avec la peau sombre des hommes qui les portent, blanc des véhicules. Le voile des femmes (Tobe) prend des couleurs vives. Il devient léger. Les femmes s’enroulent dans un drap unique qu'elles réajustent dans le vent du désert et nous laissent entrevoir leurs sourires. L’Islam, dans son apparence, semble ici se libérer de la rigidité que nous avons connue en Syrie, puis en Egypte.
Nous finalisons les démarches administratives d’entrée dans ce pays qui a décidemment bien du mal à nous ouvrir ses portes. Il faut rester concentré jusqu’au bout car, même dans le sprint final, nous ne sommes pas à l’abri d’une erreur d’inattention. Une simple feuille posée sur le Coran du capitaine des douaniers et c’est toute la procédure qu’il faut recommencer, et cette fois avec femme et enfants!Nous suivons la route du Nil qui nous conduit jusqu’à Khartoum et profitons d’une route neuve que les Chinois viennent de finaliser.
Lors d’un bivouac, un homme vient se joindre à notre petit déjeuner pour nous parler simplement de son pays et nous donner des indications et conseils sur la suite de notre voyage au Soudan. C’est notre premier contact avec l’hospitalité légendaire des Soudanais. Dans un premier temps méfiants lorsque nous sommes ainsi abordés, nous apprenons rapidement que toute tentative de participation matérielle à cet accueil sera vécue comme une honte pour nos hôtes. Cet homme nous parle des élections à venir. Tant que nous resterons dans le nord du pays et suivrons la route qu’il nous indique jusqu’à la frontière de l’Ethiopie, nous serons en contact avec une population éduquée et serons donc en sécurité.
Le Sud possède un pétrole facilement extractible sur lequel les Américains ont mis la main par la force, au moyen de miradors et de forces armées. Cet homme nous apprend que les Chinois sont mieux accueillis car ils participent au développement du Nord du pays et des échanges au moyen des infrastructures routières. A ce sujet, une route reliant Wadi Halfa à Assouan devrait être réalisée dans les prochains mois. Nous sommes parmi les derniers voyageurs à réaliser la traversée de la frontière par bateau.
Le pétrole existe également dans cette région, mais il est plus difficile à exploiter. C’est la raison pour laquelle les Américains ont décidé de la mettre en sommeil, faisant du Nord Soudan une sorte de grenier énergétique pour les années futures. En sollicitant l’expertise Chinoise plutôt qu’Américaine dans son extraction, les Soudanais espèrent profiter d’une distribution équitable des bénéfices.Il nous suggère un premier arrêt sur l’île de Saî à proximité, sur laquelle nous devrons pouvoir admirer les vestiges d’une forteresse ottomane construite au XVIe siècle, et peut-être même apercevoir les fameux crocodiles du Nil…
Nous retrouvons ensuite, dans le cadre d’un bivouac improvisé au milieu du désert, quelques un des ‘overlanders’ avec qui nous avons effectué la traversée du Lac Nasser, dans le but de passer ensemble le soir de Noël. Les enfants ont préparé un sapin en clouant des planches de bois et les adultes ont construit un four à pain entre les pierres. Nous apportons à la table commune quelques bières que nous avons réussi à faire passer en douce.
La route se poursuit vers le site de Kerma qui constitue un exemple de la structure deffufa dans l’architecture nubienne : un tumulus de pierres et de terre construit autour d’une chapelle funéraire.
Nous faisons la connaissance d’un hamster des sables, téméraire jusqu’à mordre le gros orteil de Laurent.
C’est par hasard que nous retrouvons une fois de plus nos amis overlanders sur le site d’El-Kourrou.
Un peu de culture (eh oui, on ne parle pas que de soucis mécaniques sur ce blog !!) :
El-Kourrou est une vaste nécropole antique utilisée entre la fin du IXe siècle et le VIIe siècle av. J.-C. Ce site est situé près de la ville moderne de Karima au nord du Soudan. Cette nécropole abrite plusieurs dizaines de sépultures de rois et de membres de familles royales, certaines sous un simple tumulus de pierres, d'autres dans un mastaba de briques crues, ou encore dans une pyramide. Ces dernières ont été édifiées avec l'avènement des « pharaons noirs » de la XXVe dynastie qui y ont leurs tombes, à l'exception de Taharqa. Les rois nubiens firent enterrer leurs chevaux avec eux dans la nécropole (Source : Wikipédia).
A défaut de pouvoir monter au sommet des Pyramides d’Egypte, on aura grimpé (Marine y compris) sur celles du Soudan, une première selon les policiers estomaqués et passablement énervés.Lors d’un bivouac dans le désert, non loin de la ville d’Atbara, au petit déjeuner, nous avons vu venir trois hommes, de trois directions radicalement différentes. Après avoir partagé le thé, quelques petits gâteaux et de nombreux sourires, Virginie leur a imprimé quelques photos (ils étaient très à cheval sur le rendu de leur apparence, elle a dû s’y reprendre plusieurs fois !), ils sont ensuite repartis, l’un sur son chameau vers le levant, les deux autres vers le couchant. Qui étaient ces hommes ? Que faisaient-ils au petit matin en plein désert, à plusieurs dizaines kilomètres du premier village ? Comment nous ont-ils trouvé ? Mystère…
La route du désert se poursuit par un bref passage vers les pyramides de Merowe, objet de fierté et de rivalité du peuple Soudanais contre les Egyptiens.
C`est ainsi, qu`après 1200km le long du Nil depuis Wadi Halfa, nous atteignons Khartoum.
La grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés, et ce depuis notre arrivée au Soudan est l`impossibilité de retirer de l`argent, même dans la capitale. C`est en tentant en vain de faire cracher un distributeur que nous faisons la connaissance d`Omer, ingénieur dans l’industrie du pétrole. Il propose de changer nos derniers dollars au meilleur taux, puis insiste à ce que nous passions la nuit chez lui. Il est tard, la journée de route a été longue, nous acceptons avec plaisir. L’accueil qu’il nous réserve avec son épouse Hiba est des plus cordiaux. Sa maison est propre et fastueuse. Elle tranche radicalement avec la simplicité des demeures croisées jusque-là. Il nous parle de sa ville et de son pays et nous invite à nous rendre au parc National de Dinder, en suivant la route du Nil Bleu jusqu’en Ethiopie, et nous donne les coordonnées de son cousin Altaieb qui habite la ville de Dinder, non loin du parc. La discussion se poursuit ensuite sur le registre religieux : il commence par nous annoncer que c'est avec le Christianisme que l’Islam a le plus de points communs, que c’est dans le Coran que nous pouvons trouver toutes les réponses, même sur l’avenir. Il affirme que tous les épisodes importants de l`histoire de l`homme ont été annonces dans le Livre Saint. Il cherche le débat, nous demandant quelles pourraient être pour nous les critiques et objections à l`Islam et nous affirme qu’il peut nous apporter les réponses à notre quête spirituelle. ``C`est ce que vous recherchez dans ce voyage, n`est-ce pas ?``. Cette discussion est pour lui la manifestation du Jihad, la Guerre Sainte. Le fait d`évoquer le sujet avec un non-converti lui crédite immédiatement de points pour le Paradis. En obtenant notre conversion, le crédit de points est multiplié. Il en est de même avec tous les autres actes de Foi.
Nous le quittons le lendemain, charmés par son accueil, mais un peu perplexes sur le contenu discussion.
Par la suite, tout au long de notre passage au Soudan, il n'a cessé de prendre de nos nouvelles, de nous appeler à chaque étape de notre voyage pour s'assurer que tout se passait bien pour nous. Comme l'ont fait toutes les personnes rencontrées avant lui, il nous assure du peu d'impact que peut avoir le referendum dans le nord du pays. Comme sa maison est isolée, il a fait une demande de port d'arme dans cette perspective, la police lui en a dissuadé. Si lui ne risque rien, c'est en toute tranquillité que nous pouvons séjourner dans son pays, même après le referendum. Nous décidons de ne plus nous presser.
Pour la photo ci-dessous, il a insisté pour troquer son costume contre l`habit traditionnel.
Dès le lendemain, donc, nous prétextons une panne de démarreur et une pression d’eau affaiblie dans la cellule pour nous poser pendant 10 jours dans le parking de Renault Truck. Douche, électricité, wifi. Le triangle d’or des nomades !
C`est là que nous faisons la connaissance de Talal et Mamoun, ingénieurs mécaniciens et responsables du SAV chez RT. Tout au long de ces 10 jours, nous avons eu le temps d’échanger avec eux, de profiter d`un accueil et d`une chaleur humaine exceptionnels. Ils nous promettent de contacter le siège pour tenter de nous sponsoriser. Affaire à suivre…A la différence du Caire, Khartoum est une ville aérée avec de larges avenues. La ville est au croisement du Nil Blanc en provenance de l’Ouganda et du Nil Bleu en provenance de l’Ethiopie. Cette confluence donne naissance au Nil qui se dispute avec l’Amazone le titre du plus grand fleuve du mode (6500 km).
Un soir, lors d'une dernière sortie en ville, nous sentons qu'il leur reste un dernier sujet à aborder : celui de la religion. C'est non sans mal que nous parvenons à nous extraire du débat. La solidarité l'emporte toujours sur le profit. Cette théorie s'applique également au système bancaire. Nous commençons à entrevoir pourquoi nos deux monde ont tant de mal à se comprendre…
Nous quittons Khartoum en direction l'est pour nous diriger progressivement vers l'Ethiopie. Un arrêt est prévu dans la ville de Singa, ou nous faisons la connaissance d'Altaieb, cousin d'Omer. Altaieb travaille pour le ``Croissant Rouge``, la traduction Islamique de notre Croix Rouge. Il nous apprend que le centre est opérationnel en vue des élections prochaines : un nombre suffisant de volontaires est maintenant formé aux premiers secours pour parer aux débordements attendus. En contrepartie, il nous annonce une fois de plus que nous ne risquons rien, que les soudanais du nord sont indifférents à l'issue du scrutin et qu'ils ne voteront pas. Si l'on évoque la fermeture des frontières dans cette perspective, c'est pour éviter aux électeurs la tentation de voter plusieurs fois. ``De toute manière, seules les personnes du Sud votent : les primitifs. Il n'y a aucun intérêt à ce que nous prenions en photo ni n'adressions la parole aux personnes originaires de ces régions.``
Le scrutin a laissé les personnes du Nord indifférentes et le jour du referendum a été un jour comme les autres dans le Nord du Soudan…
L'acceuil d'Altaieb a, par contre, été une fois de plus extraordinaire : après une visite de la bananeraie qui longe le Nil Bleu, il nous présente sa famille, heureux et surpris de voir ses enfants noirs jouer avec ces enfants blancs, usant d'un langage que seuls les enfants du monde entier peuvent comprendre, constitué de rires et de gestes.
Il nous explique les démarches à suivre pour pouvoir visiter le parc national : il faut se rendre à la police de la vie sauvage dans la ville de Dinder. Un garde nous escortera et nous protègera tout au long de notre séjour dans le parc.
Il nous a fallu abattre en une après-midi les 200 kilomètres de piste. Le guide s'est avéré être un soldat armé d'une kalachnikov. Il ne parlait que l'arabe. Difficile de ne pas être mal à l'aise quand la canon se son arme à côté de lui dans la cabine pointe sur Charlotte…Dans le parc nous avons vu autruches, babouins, gazelles, phacochères…
Veni, vidi mais pas vici. Nous avons laissé dans les arbres trop bas notre store, des joints de fenêtres, ainsi que de belles rayures sur la carrosserie du camion. Nous avons dû faire demi-tour à trois kilomètres de notre destination après avoir progressé de 26 km dans la forêt dense. Un arbre, un seul a suffi pour nous faire rebrousser chemin et c'est les 200 kilomètres de piste retour que nous avons dû couvrir dès le lendemain.
Apres avoir ramené notre policier dans sa caserne et signalé que la route n'était pas adaptée aux camions (``Ah bon? Personne ne vous a dit? ``), nous nous arrêtons de nouveau à Singa pour offrir les restes de notre store et remercier Altaieb pour son accueil : ``Je n'ai fait que mon devoir``.
Pour nous cela avait pourtant été un plaisir…
Les derniers jours au Soudan ont été ensuite marqués par la route. Je noterais uniquement le regard inquiet du policier au barrage de police, une fois les palabres d'usage épuisées ; ``Sudan tamam?`` (Le Soudan, c'est bien?)
L'accueil légendaire des Soudanais était-il vraiment spontané et désintéressé? N'était-il pas finalement motivé par la perspective d'un raccourci vers le paradis dans cette quête aux points de sainteté? Ou pire : n'est-ce pas l'image d'un peuple oppresseur qu'ils tentent de redresser aux yeux de la communauté internationale?
Quoi qu'il en soit, le souvenir de la profondeur et de la gentillesse de ce peuple restera à jamais dans nos mémoires.
Tags : soudan
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Commentaires
2GlapotinLundi 7 Février 2011 à 16:04Ouf ! voilà des nouvelles qui nous rassurent, et nous sommes contents que vous ayez fait encore de belles rencontres. Apparemment à part de la carrosserie les éléments mécaniques vous ont laissé souffler. Nous espérons que maintenant les aspects administratifs seront plus faciles.3Christine et OlivierLundi 7 Février 2011 à 19:34Vous êtes toujours à Nairobi?
Retour dans les brumes du Nord. Pas désagréable en vérité de déguster une bonne goulée d'air frais.
Trier les photos, assembler les traces et essayer de mettre un peu d'ordre dans la tête.
On pense bien à vous et nous espérons bientôt lire la suite des événements.
Bises à vous 44guydolo38Lundi 7 Février 2011 à 20:42Bonjour la famille Chamaco,
Enfin des nouvelles sans casse et comme on en aurait voulu depuis un certain temps, c'est rassurant de vous sentir partir vers de nouvelles aventures le coeur léger, enfin dites vous quand même que vous venez de suivre le cour d'un grand fleuve millénaires qui à vu une partie de l'évolution de l'humanité, bonne continuation et bon vent.
Bises à vous tous .5Les ANDREOLundi 7 Février 2011 à 23:48Salut (dommage qu'on ne puisse pas changer la taille de la police, sinon, ce serait un "Salut" taille 132 au moins !!!)
bon sang de bon soir, c'est que vous nous avez manqué (bon, vous nous manquez toujours, ne vous méprenez pas !!!!) mais de bonnes news, ça nous donne du baume au coeur. D'autant que, d'autres l'ont dit avant nous, ces pays un peu "effervescents", et l'actualité récente nous inquiétaient un peu.
Pour le reste, encore merci pour les photos, toujours aussi belles (mention plus plus pour les pyramides). Par contre, vous nous avez alléchés avec le Parc Dindir, mais : Ou sont les animaux ?????
on veut voir vos autruches, babouins et autres phacochères !!!!!
Une mention particulière pour Marine à qui nous n'avons pas souhaité un joyeux anniversaire. Que notre erreur soit maintenant réparée !!!
En tous cas, c'est incroyable comme ils ont poussé en 6 mois. et changé aussi : en juillet, on vous a vu prendre le départ avec 3 enfants, mais on vous découvre aujourd'hui sur les clichés 3 petits aventuriers.
Que dire de plus ? Rien, si si si : la suiiiiiiiiite !!!! les photos du Kenya.
Allez, on vous embrasse, et à très vite
et comme d'hab, profitez, et prenez soin de vous...
bises6jojoMardi 8 Février 2011 à 08:25Bonjour à vous ! c'est vrai que c'est chouette d'avoir de vos nouvelles ( sans vous connaitre ! ) vivement la suite !7verobhMardi 8 Février 2011 à 11:11bonjour
c'est avec toujours autant de bonheur, que je vous rend une petite visite, sur votre site, merci de nous faire partager votre aventure, j'ai l'impression de vous faire un vrai coucou, que de bonheur, que de grands moments vous vivez,, profitez bien , et à la prochaine visite, grosses bises aux enfants qui sont adorables,et bon vent à vous
et encore merci de nous faire partager vos aventures
Véro H
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Wan du large et les filles qui vous embrassons ... so long des boiv1